Epic Games Fortnite

Epic Game a « abandonné » 73 millions d’utilisateurs jouant à Fortnite uniquement sur iOS pour lutter contre Apple

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Il y a quelques jours, le tribunal a décidé que Fortnite ne reviendra pas sur l’App Store d’Apple de sitôt. La juge en charge de l’affaire, Yvonne Gonzales Rogers, a statué sur la demande d’injonction faite par Epic. Ce dernier n’a pas obtenu le maintien temporaire de Fortnite sur l’App Store jusqu’à la fin du procès.

Rappelons qu’Apple a retiré Fortnite de l’App Store depuis le 13 août dernier après qu’Epic ait lancé une mise à jour du jeu comportant son propre système de paiement in-app.

Le système de paiement d’Epic lui permet en effet d’éviter de payer les 30 % de commissions exigées par Apple lors des achats dans les applications. L’éditeur du jeu Fortnite a alors demandé une ordonnance dans le but d’obliger Apple à remettre le jeu dans sa boutique jusqu’à la fin de la bataille judiciaire. La décision de la juge de vendredi dernier n’est pas une surprise lorsqu’on se réfère à ce qu’elle avait dit à propos du comportement d’Epic la semaine d’avant. Celle-ci a déclaré que le développeur de jeu a rompu son contrat en tout état de cause et est donc en train d’en subir les conséquences.

« Epic savait qu’il violait les termes de son contrat avec Apple lorsqu’il a publié la mise à jour, mais il l’a quand même fait », a déclaré Rogers, accusant la société de malhonnêteté. « Vous avez fait une chose, vous avez menti par omission, par manque de franchise », a rappelé Rogers à Epic. « Il y a beaucoup de gens dans le public qui vous considèrent comme des héros pour ce que vous avez fait, mais vous ne procédez pas de la façon la plus honnête ».

Ainsi, le refus d’accorder l’ordonnance à Epic signifie que la situation dans laquelle Epic est interdit de publier de nouveaux jeux sur iOS et ne peut pas distribuer Fortnite sur l’App Store sous sa forme actuelle restera en place pendant la durée du procès, à moins qu’Epic ne décide de supprimer son propre système de paiement in-app qui a déclenché l’amère querelle juridique en août.

Notons que la Cour a également décidé qu’Apple ne peut pas prendre d’autres mesures plus punitives contre Epic en s’attaquant à l’ensemble du moteur Unreal, ce qui causerait une tonne de dommages collatéraux aux jeux et aux applications n’appartenant pas du tout à Epic.

Les documents judiciaires révèlent des statistiques assez étonnantes sur ce qu’Epic a abandonné pour poursuivre ce combat peut-être chimérique avec Apple :

  • Fortnite dispose de 116 millions d’utilisateurs mobiles sur iOS qui ont passé plus de 2,86 milliards d’heures sur le jeu.
  • Parmi ceux-ci, 73 millions n’ont joué à Fortnite que sur iOS et sur aucune autre plateforme.
  • 2,5 millions d’entre les joueurs sur iOS jouent à Fortnite tous les jours, ce qui représente près de 10 % du nombre total de joueurs journaliers de Fortnite toute plateforme confondue.
  • Les joueurs de Fortnite sur iOS ont dépensé plus en achats in-app que les joueurs sur Android, mais ils ont dépensé moins que les joueurs sur consoles de jeux comme la PlayStation 4 de Sony ou Xbox One de Microsoft.

 

On ne sait pas à combien de millions de joueurs Epic a renoncé suite à une interdiction similaire sur le Google Play Store. Les joueurs se comptent probablement en millions, mais l’affaire est loin d’égaler son différend avec Apple étant donné que, techniquement, Fortnite peut toujours marcher sur des appareils Android en dehors du Play Store.

Apple et Epic se vantent chacun d’avoir obtenu une victoire lors de cette dernière décision, Apple se félicitant du fait que le tribunal reconnaisse qu’Epic a délibérément enfreint ses règles, Epic se félicitant que le tribunal arrête l’action contre Unreal. Et pourtant, plus cela durera, plus la bataille pourrait être ardue pour Epic qui doit convaincre les tribunaux du bien-fondé de la situation sur un certain nombre de fronts.

Premièrement, le « stratagème » consistant à amener à Apple à les bannir du magasin en enfreignant délibérément les règles pour contourner la redevance de 30 % semble jouer contre Epic. Il a d’ailleurs été évoqué à plusieurs reprises.

Ensuite, Epic doit convaincre le tribunal que la redevance de 30 % est oppressive et injustifiée alors qu’elle est la norme de l’industrie sur Apple, Google, Steam, Xbox, PlayStation et une tonne d’autres vitrines d’applications similaires.

Epic doit également convaincre le tribunal qu’Apple agit de manière « monopolistique » et même si ces chiffres sont importants, perdre 10 % de vos joueurs actifs en raison d’une interdiction de l’App Store ne montre pas exactement qu’il n’y a pas de plateformes alternatives pour que votre jeu puisse réussir si vous souhaitez le distribuer ailleurs.

Certains observateurs sont convaincus qu’Epic a techniquement « raison » ici, notamment sur le fait qu’Apple est en situation de monopole et abuse de sa position. Pour eux, tout l’écosystème mobile doit être ouvert pour ressembler davantage à un PC avec des magasins concurrents. Sur PC, la tactique d’Epic consistant à créer son propre magasin avec une réduction des revenus plus généreuse pour les développeurs que Steam leur a permis de pratiquer ce qu’ils prêchent. Mais ils ne peuvent littéralement pas offrir cela sur les appareils Apple en raison de l’écosystème fermé.

Mais légalement, utiliser cet argument semble périlleux ; à la lumière de tout ce que nous avons entendu concernant cette affaire jusqu’à présent, il semble que la juge qui a rendu ces décisions semble assez sceptique.

Apple a répété à plusieurs reprises que Fortnite pourrait revenir dans l’App Store dès lors qu’Epic respectait simplement les politiques existantes, mais cela obligerait Tim Sweeney et Epic à « plier le genou » pour ainsi dire, et il est difficile de voir cela se produire.

Rappelons que, dans un rapport, la sous-commission antitrust de la Chambre américaine des représentants a fait valoir qu’Apple jouit d’un pouvoir monopolistique dans la distribution d’applications sur les appareils iOS via l’App Store. C’est parce que l’App Store est la seule méthode de distribution des applications sur iOS, et qu’Apple n’autorise pas l’installation d’app stores non natifs sur ses appareils mobiles.

Apple a répondu en ces termes : « Nous avons toujours dit que l’examen est raisonnable et approprié, mais nous sommes en désaccord total avec les conclusions de ce rapport des services de la Commission concernant Apple. Notre société ne détient pas de part de marché dominante dans aucune des catégories où nous sommes présents. Depuis ses débuts il y a 12 ans avec seulement 500 applications, nous avons construit l’App Store pour qu’il soit un endroit sûr et fiable où les utilisateurs peuvent découvrir et télécharger des applications et un moyen de soutien aux développeurs pour créer et vendre des applications dans le monde entier. Avec près de deux millions d’applications aujourd’hui, l’App Store a tenu cette promesse et satisfait aux normes les plus strictes en matière de confidentialité, de sécurité et de qualité ».

Source : documents judiciaires


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